NOTE D’INTENTION

Liah et moi est une pièce d’anticipation qui prend racine dans des fractures très contemporaines entre nature et technologie, liberté et contrôle, humanité et artifice. L’action se déroule dans un futur proche, dans une société ultra-connectée gouvernée par un ordre autoritaire fondé sur la surveillance, la rentabilité et l’uniformisation.

Face à cela, un couple de scientifiques fait le choix radical de s’exiler dans une zone marginale, dite “zone noire”, pour élever ses futurs enfants dans un monde lent, organique, vivant — au contact de la nature, des animaux, des plantes.

Frankie naît la première. Quatre ans plus tard arrive Liah. Mais Liah n’est pas une enfant comme les autres : elle a été fabriquée en secret par leur mère, à partir de vieilles intelligences artificielles, de souvenirs, de données affectives et sensorielles.

Comme modèle, comme premier vis-à-vis, Liah a Frankie, sa grande soeur. Entre elles naît une relation unique. Par Frankie, Liah découvre l’enfance et ses instincts, la violence, l’égoïsme, la mauvaise foi, le sentiment d’injustice, et aussi la complicité, l’humour, l’attachement. Autant de nuances que les parents-concepteurs ne peuvent lui transmettre.

Les deux soeurs, l’enfant humaine et la machine sensible, vont se construire l’une avec l’autre, l’une contre l’autre.

Le récit alterne les voix des deux héroïnes. Frankie, la narratrice humaine, adolescente révoltée, instinctive, charnelle ; et Liah, sa soeur-robot, d’une douceur troublante. La structure mêle journal intime, monologues intérieurs et scènes dialoguées. D’autres personnages apparaissent au fil du récit : les parents (principalement la mère), Abdel, jeune garçon récemment exclu d’Alpha, la ville-nation, deux hommes inquiétants, et l’intelligence artificielle supérieure d’Alpha.

L’intrigue progresse par ellipses, du journal intime de Frankie à la scène finale, où les deux soeurs se reconnaissent pleinement comme telles. Liah et moi est un conte initiatique : un voyage de deux héroïnes vers elles-mêmes, et vers une relation nouvelle entre humanité et intelligence artificielle.

La pièce explore plusieurs thèmes :

• l’image du robot : à la fois figure monstrueuse et fantasme de perfection ;
• la parentalité : n’élève-t-on pas aujourd’hui les enfants comme des machines performantes ?
• la sororité : comment trouver une relation juste entre deux soeurs qui se disputent l’amour de leurs parents, leur espace vital, qui cherchent à accentuer leurs différences, tout en guettant leurs similitudes ? Frankie, l’enfant qui ne se sent jamais à la hauteur de la projection de ses parents, et Liah qui ne sait justement que répondre au désir parental ;
• la politique : quel monde pouvons-nous encore inventer, entre adoubement technologique et résistance ?
• l’évolution de l’humanité : vers quel humain allons-nous ? Un humain augmenté ? hybride ?

Trois comédiennes portent ce récit : Frankie, Liah, et une troisième interprète qui jouera tour à tour la mère et Abdel.